Quand le Blues chante les thèmes de la lutte pour l’émancipation féminine 3

En chansons, un magnifique hommage aux femmes du blues par Pascal Martin sur Radio Canut :

Etta James, Donna Greene, Lynn White, Koko Taylor, Sue Foley, Mildred Bailey, Candy Kane, Irene Higginbotham, Joanna Connor, Susan Tedeschi, Fiona Boyes, Sharrie Williams, Kara Maguire, Karen Lovely, ...., des femmes qui poursuivent le combat pour l’émancipation féminine en chantant les mécanismes sociaux qui rendent possible la domination masculine.

Dans W-O-M-A-N en 55, Etta James s’en prend à Muddy Waters en pastichant dans l’intro la célèbre chanson machiste de Muddy, « I’m a man » l’année même de sa sortie. Provocatrice, elle avertit le « mâle » qu’il va falloir qu’il assure, mais revendique aussi du même coup, le plaisir sexuel féminin alors que la notion de plaisir au cours du coït était exclusivement réservé à l’homme dans le code moral de bonne conduite de la société réactionnaire et conservatrice de l’époque.

Donna Greene reprend cette idée en 2008 avec « A girl’s gotta have a little pleasure ». Mais Etta James n’est pas la seule à riposter au machisme des bluesmen, avec « I didn’t make my moove too soon », Lynn White en 1979 apporte une réponse cinglante et féministe au titre macho de B.B. King « Never make your move too soon » repris entre autres par Ry Cooder, Tommy Lepson et Joe Bonamassa.

L’humour féministe en chansons ...

Dans un registre plus humoristique, « You can have my husband », au départ une chanson de 1960 encore entonnée en 2011 par Pat Cohen lors de la tournée de Music maker en Europe, Koko Taylor en offre une version dans laquelle elle transforme subtilement le refrain pour chanter, preuve que les temps et les mentalités ont changé, « You can have my husband, but let me the maid... » qu’on pourrait traduire par « profite de mon mari si tu veux, mais laisse-le moi pour faire le ménage... ».

On reconnaît enfin qu’une femme a le droit de faire le choix de son partenaire.

La domination patriarcale c’est aussi le mariage, et le sentiment de propriété sur un(e) individu(e) que fustige Sue Foley dans Ten Days In November en 1998 avec le titre « She Don’t Belong To You ». Et puis aussi les stéréotypes esthétiques, qu’évoquent avec humour Mildred Bailey dans « Scrap your fat » et avec plus d’emphase encore Candy Kane dans « You need a big fat mama » qui milite pour la reconnaissance des femmes fortes ...

A noter encore qu’on ne commence à envisager des « droits » aux femmes, même s’ils ne sont encore réservés à la sphère privée, qu’en 46. Dans un titre qu’on attribue habituellement à J. C. & Irene Higginbotham, (repris par la suite par Dave Alvin en 1993 et Jan Buckingham en 2003, sans oublier la version instrumentale de Jimmy Jones ) « Woman’s got a right to change her mind », on reconnaît enfin qu’une femme a le droit de faire le choix de son partenaire.

Dieu est une femme... et elle est noire !

Candye Kane fait allusion à cette blague en vogue dans les milieux progressistes des USA des ’70 « Les astronautes ont croisé Dieu en allant sur la lune... Elle est noire ». Avec « The Lord was a woman » paru dans Diva La Grande (2002), elle continue à déranger l’ordre patriarcal. Elle n’est pas seule à poursuivre le combat pour l’émancipation féminine en mettant en chanson les mécanismes sociaux qui rendent possible la domination masculine.

Non seulement les textes où les femmes ont réussi à mettre en musique leur aliénation continuent à être chantés, [1] mais en plus, la relève semble assurée et pas seulement au Etats-Unis, avec de nouvelles compositions. [2]

Pour conclure, il convient de saluer le travail de Nina Van Horn qui publie en 2009 un magnifique hommage aux femmes du blues, dans lequel on retrouve outre les portraits de Bessie Smith, Ma Rainey, Memphis Minnie et Billie Holiday, ceux de Victoria Spivey, Georgia White, Mildred Bailey et Odetta.

Pascal

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